Un jour je rencontrerai Hitler

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On a fini par enfin arriver à Berlin.
Hans était toujours aussi répugnant, il puait. Mais papa voulait quand même rester joyeux alors il a dit « Alors les enfants vous êtes content d’aller chez votre oncle  pendant que papa et maman iront aux Jeux Olympiques ? » . Parce que oui, ça allait être les fameux Jeux Olympiques de 1936, ceux que toute l’Allemagne attendait. Papa disait que le grand Hitler pourrait ainsi démontrer sa puissance au monde entier ! Que même la télévision serait là, pour le première fois dans les jeux olympiques ! La télévision sera là mais pas moi.
Mais moi je m’en fiche d’abord, c’est plus Hans qui est pas content, mais les places sont chères. Papa dit qu’avec de la chance notre oncle nous emmènera le voir devant le stade, il y aura des écrans pour voir gratuitement le spectacle. Cadeau de notre puissant Führer ! 
Mais moi j’aime pas le sport, c’est vrai. Ça m’intéresse pas, pourquoi là il me disent pas que le sport c’est pas pour les petites filles ? C’est vrai non , pourquoi j’ai droit au sport et pas au fusils ?
Je demande à Maman.
« - Figures toi, dit elle, qu’ils y a de très jeunes filles qui font du sport. De la natation principalement. C’est très bien de faire ça.
- Oui, mais bien sur elles n’ont aucune chances ces petites de rien du tout contre les championnes, rajouta papa . »
J’ai dit d’accord de la tête mais je suis pas sûre parce que moi j’y connais rien du tout. Et j’aime pas nager, j’aime pas l’eau.
Pis j’aime pas mon oncle, il se rase pas, il a une verrue sur le front et il est méchant comme papa, c’est normal. C’est son frère. Sauf que papa nous tape presque jamais et mon oncle tout le temps. Il a pas de femmes mon oncle, il est pasteur alors je croyais que c’étais pour ça mais on m’a dit que non, c’étais pas ça ; C’étais qu’aucune femme n’avaient réussis à aimer l’oncle. Et justement on vient d’arriver chez lui, et moi je suis pas encore une femme mais l’oncle je l’aime pas quand même.

illustration : Docteur C

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J’ai laissé le fusil à mon petit frère, j’ai arrêté de parler des trains alors je vais à Berlin ! J’ai bien fait de parler qu’à moi parce que sinon j’aurais pas vu Berlin et en plus je suis sûr que j’en saurais pas plus. Bon.. on habite assez loin de Berlin alors j’ai un espoir. On va peut être prendre le train pour y aller. Mais non parce que papa il a acheté une voiture et moi j’aime pas ça.
Papa alors il fait une blague souvent « Héhéhé Eva elle aime les trains, elle aime les fusils mais elle aime pas les voitures. Mais enfin, tu es un homme ou pas ma fille ? » et tout le monde rit. Surtout mon petit frère, très fort et très vite; après il a le hoquet et il manque de vomir. Comme la voiture est neuve papa l’arrête très vite pour que Hans il arrose dehors et pas dedans. Mais  c’est de grosse justesse ! Il y en a un peu sur la portière et beaucoup sur les main de Hans qui les avait posé sur sa bouche pour pas que ça coule. Maman regarde pas et me dit de pas regarder. « C’est sale... », elle dit « Il ne faut pas regarder ça en sert à rien de regarder ça pour grandir ». Et puis elle a arrêté de me regarder pour aller regarder par la fenêtre alors qu’il y avait rien d’intéressant. Les deux hommes de la maison remontent dans la voiture, Hans est très pâle et papa n’a pas l’air de vouloir refaire de blagues. Moi ça m’arrange mais je me force à pas sourire  parce que j’ai l’impression que c’est pas bien en ce moment. Ça me rappelle l’enterrement de ma tante l’année dernière. C’étais pareil dans la voiture mais là personne est mort… On allait aussi à Berlin pour enterrer ma tante alors je demande à papa si c’est parce qu’on va à Berlin qu’on doit être comme ça. Il me dit « comment comme ça ? » et comme il a pas l’air content je préfère rien dire.
Beaucoup de gens regarde la voiture avec envie, faut dire que papa il est très riche. Ça fait bizarre ils sont tous en train de sourire en nous regardant et nous on est triste. Ça me fait penser aux gens qui font du train quand je les regarde, ils sont triste alors que moi je les envient très fort… alors je comprends. Vu qu’il y en a beaucoup il y en a un qui vomit et alors il sont obligés d’arrêter le train et ça embête tout le monde parce qu’après ils arrivent en retard à la prison.
Quand on arrive à Berlin papa est plus détendu, il refait la blague mais là mon frère a peur de recommencer à rigoler.
Alors papa est encore pas content.

illustration : Jzef

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Tchou, tchou, le petit train. C’est rigolo les petits trains électriques mais ça existait pas encore, moi je m’amusais avec un train pour de vrai. Dès qu’il passait je prenais mon beau fusil en bois et Pan ! Pan ! Dans le tchoutchou. Dès fois y avait des gens qui me regardait l’air furieux, triste, fatigué, sans air du tout… Des fois il y avait des vaches qui me regardaient comme les vaches regardent les hommes quand elle sont dans l’impossibilité de regarder les trains.

Les hommes et les petites filles d’ailleurs. Les vaches ça regarde pareil, sans faire la distinction : hommes, femmes, petites filles, coupables ou innocents. Les humains amassés dans le train c’est pas pareil. Ils distinguent, ils regardent les hommes avec haine, les femmes avec étonnement et les petites filles avec tristesse. Parfois même avec pitié. Ça m’a toujours étonné qu’ils soient jamais content, moi j’ai jamais pris le train et si même les vaches elles prennent le train c’est vraiment pas juste. Alors quitte à prendre le train autant le faire avec le sourire non ? Rien que pour moi ils pourraient au moins sourire. Après ils peuvent pleurer tout le reste du voyage mais qu’ils sourient au moins pour moi.

Je suis allé voir papa et j’ai pleuré très fort avec des Hiiiiiiiiiii !!! Strident dans ses oreilles, jusqu’à ce que les sanglots étouffent les Hiiiiiiiii !! Alors mon papa il m’a prit sur ses genoux et ils m’a dit que c’étaient des vilains et que c’étais parce qu’ils étaient contre le bon chancelier du Royaume qu’on leur faisaient faire un tour de train. Que c’étais leur dernière volonté et qu’après ils les mettaient en prison toute leur vie et que si je voulais faire un tour de train il fallait aller en prison après, j’ai dit que je c’étais pas grave, il ‘ma dit que si et que la discussion était close. Puis il m’a dit de lâcher ce fusil en bois et de le rendre à mon frère « C’est pas un jeux pour une petite jeune fille » ajouta maman en me servant mon veau. Quand je suis allé me coucher j’ai encore entendu un train, j’ai pensé « si c’est encore des méchants qui font leur dernier petit tour je hurle », le train a meuglé, je me suis endormie. 

Ça faisait trois jours qu’il y avait plus de trains, papa m’a dit que c’étais grâce à notre chancelier, que tous les méchants étaient en prison. Mais ça voulait dire que les vaches aussi étaient méchantes alors ? Il me dit que non mais que ça c’est un hasard. Qu’elles soient méchante ? Il me dit que non mais que je pose trop de questions et qu’il aimerais lire son journal en paix et que si je ne me tenais pas tranquille je n’irais pas à Berlin la semaine prochaine.

illustration : Maël Rannou